samedi 5 avril 2014

Municipales dans le 9-3 : bilan de la campagne menée par la liste « Saint-Ouen Anticapitaliste »

Damien Bernard, Flora Carpentier et Elodie Lecoq (NPA Saint-Ouen), le 31/03/2014

Source : http://www.ccr4.org/Premier-bilan-de-la-campagne-menee-par-Saint-Ouen-Anticapitaliste 

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Le 93 n’a que très partiellement échappé à la règle nationale. La gauche de gouvernement a subi une sanction lourde dans les urnes. Dans certaines villes, à l’image de Saint-Ouen, la droite a même réussi à reprendre les vieux bastions communistes, tirant profit du discrédit des socialistes mais également d’un ras-le-bol de la population vis-à-vis de plusieurs années de gestion municipale tout sauf… « communiste ». C’est dans ce cadre que la liste « Saint-Ouen anticapitaliste » a mené campagne jusqu’au premier tour, arrivant en quatrième position derrière la droite, le Front de Gauche puis la liste du PS, réalisant un score de 2,5%. L’occasion de revenir sur une campagne de terrain, anticapitaliste et révolutionnaire.


Des révolutionnaires aux élections ?


Alors que nous dénonçons cette fausse démocratie, on peut se demander légitimement quel est l’intérêt des révolutionnaires, qui se battent pour le renversement du système capitaliste, de participer à ces élections. Ne serait-ce pas cautionner ce même système ? Donner l’illusion que le changement peut se conquérir par les urnes ? C’est pour lever toute ambigüité que nous avons au contraire toujours clamé haut et fort que nous n’avions aucune illusion dans les élections, et que si nous nous étions battus pour y être représentés, c’était pour défendre une alternative de classe, révolutionnaire, portant les revendications du monde du travail, de la jeunesse opprimée et des classes populaires. Alors que les opportunités de nous faire entendre largement et d’être relayés par les médias sont rares, les élections offrent cette tribune. Nous avons choisi de nous en servir de haut-parleur pour porter la voix des sans-voix, de celles et ceux qui se font exploiter au quotidien, qui se battent pour leurs conditions de vie et de travail dans un système profondément injuste et oppresseur. C’est dans cette perspective que nous avons mené cette campagne à Saint-Ouen avec de nombreux-se-s travailleur-euse-s n’ayant pas nécessairement le droit de vote mais qui se sont reconnu-e-s dans les revendications que nous portions.

Car un ras-le-bol existe bel et bien et il s’est illustré dans ces élections par la lourde sanction portée par les électeurs à l’encontre du PS de Hollande-Ayrault, par la progression de l’abstention mais aussi, à un autre niveau, par une avancée relative quoiqu’inquiétante de l’extrême droite. Au NPA, nous entendions offrir une alternative pour les électeurs les plus radicalisés, car nous pensons que la colère des exploités doit aussi pouvoir s’exprimer par un vote d’extrême gauche, anticapitaliste, en toute indépendance du gouvernement et des coalitions qui ici et là signent des accords avec ceux qui orchestrent le démantèlement du code du travail et les attaques contre nos conditions de vie.

Un mécontentement largement ressenti envers la mairie sortante, et des alternatives guère plus réjouissantes


Les raisons d’être mécontents de la politique menée depuis 15 ans par Jacqueline Rouillon ne manquent pas pour les audoniens. A Saint-Ouen la majorité municipale sortante est issue de forces soi-disant de gauche : que ce soit la maire, Jacqueline Rouillon, appuyée par le Front de Gauche-PCF, ou Karim Bouamrane, protégé du patron des socialistes à l’Assemblée Bruno Le Roux, qui se présente sous les couleurs du PS-EELV.

Dans les faits, le bilan de ces majorités sortantes « de gauche » n’est pas franchement… de gauche. A Saint-Ouen, les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises n’ont fait qu’augmenter alors que les couches populaires sont rejetées dans le plus grand mépris. Pour cela, il suffit d’étudier la question de l’emploi et de la précarité. Alors que la population audonienne souffre d’un chômage de masse (environ 17% de la population), la mairie a répondu par la voix de la « sécurité », avec le renforcement de la police municipale, la mise en place de caméras de surveillance et l’instauration d’une Zone de Sécurité Prioritaire en accord avec Manuel Valls. L’équipe municipale a mené toute une série d’attaques contre les classes populaires concernant, par exemple, la question du logement. Elle se vante qu’à Saint-Ouen, il y a 40% de logements sociaux, ils sont en réalité inaccessibles aux couches les plus défavorisées et leur attribution est opaque. Pendant ce temps-là, les marchands de sommeil continuent à sévir, la mairie expulse les jeunes travailleurs du foyer CARA et un camp de 800 Rroms sans aucune solution de relogement.

Autant dire que cette politique n’est pas vraiment en faveur des jeunes et des travailleur-euse-s et si Saint-ouen a pu basculer à droite c’est à cause de cette politique menée depuis des années sur la ville.

A Saint-Ouen, le candidat de droite proposait, par exemple, la création d’un lycée privé, la fin du droit de préemption afin de libéraliser le logement, ou encore l’augmentation de la vidéo-surveillance et le couvre-feu pour les mineurs.

Quant à nos camarades de Lutte Ouvrière, ils ont participé à la majorité municipale de 2007 à aujourd’hui et présenté une liste autonome pour cette élection sans avoir fait de bilan critique de leur mandature. Il aurait pourtant été parfaitement concevable à notre avis, à condition qu’ils fassent ce bilan, de présenter une liste ensemble.

Saint-Ouen Anticapitaliste : Une liste pour les intérêts des travailleurs et des classes populaires


En présentant une liste aux élections municipales, notre objectif en tant que révolutionnaires était de faire un pont entre des revendications locales et une perspective plus large, anticapitaliste et révolutionnaire. Alors qu’une grande partie de la population vit dans la précarité, souvent sans perspective d’avenir, se heurte à mille discriminations et oppressions au quotidien, nous ne pouvions pas donner l’illusion que nous prétendions tout résoudre à partir d’une meilleure gestion de la municipalité. Ainsi, contre les difficultés vécues au quotidien par les habitants, et mises en avant par les différentes listes de droite comme de gauche, à diverses sauces, soit profondément démagogiques, soit ouvertement racistes et discriminatoires… nous avons défendu des mesures radicales et transitoires, s’attaquant aux problèmes à la racine, comme autant de leviers pour défendre la perspective d’une autre société que seul le renversement révolutionnaire du système capitaliste pourra amener.

Ainsi, en plus de dénoncer la politique de l’équipe municipale sortante et les « alternatives » proposées à sa droite, contre le mal-logement, nous avons revendiqué l’expropriation des marchands de sommeil, la réquisition des locaux vides et leur réhabilitation pour reloger dans des conditions dignes tous les mal-logés, y compris les populations rroms, la transparence totale dans l’attribution des HLM et le contrôle des loyers par les locataires.

Contre la précarité, nous avons exigé la titularisation de tous les précaires du secteur public, des services publics de qualité, au service de la population, ce qui implique d’en finir avec l’austérité et les privatisations rampantes.

En portant comme slogan « on veut du taf, pas la ZSP ! », nous nous sommes radicalement inscrits en faux contre la politique du tout-sécuritaire de la majorité sortante que veut renforcer la droite. Nous avons revendiqué la fin de la ZSP, la dissolution de la BAC et le démantèlement de la police municipale, et la légalisation des stupéfiants comme seule solution pour résoudre la question des trafics. Car la véritable insécurité, c’est le chômage et la précarité.

Contre le racisme et l’impérialisme, nous avons porté la revendication de la régularisation de tous les « sans-papiers » et nous sommes positionnés contre toutes les interventions impérialistes et pour la défense inconditionnelle de la lutte du peuple palestinien.

Nous avons également dénoncé cette fausse « démocratie » au service des riches et des copinages, et défendu le droit de vote pour tous les résidents à toutes les élections, ainsi que le contrôle et la révocabilité des élus, qui devraient toucher le même salaire qu’un ouvrier ou qu’un employé. Car pour nous la politique, c’est l’affaire de tous les travailleurs et non celle de politiciens professionnels.

Toutes ces revendications, notre liste les a portées sans pour autant laisser croire qu’une gestion véritablement « de gauche » d’une ville-îlot entourée par un océan capitaliste soit possible. Tout en démontrant qu’il pouvait exister une alternative à la société actuelle, nous n’avons cessé de revendiquer que le vrai changement passerait par les mouvements sociaux à l’échelle locale, nationale et internationale, par la prise en main des choses par les travailleurs, par le renversement de la classe dominante et la mise en place d’un gouvernement des travailleurs eux-mêmes.

Une liste au cœur des luttes


Pour constituer notre liste, nous avons cherché à nous lier aux secteurs en lutte et aux organisations militantes sur la ville, afin de porter leurs revendications et relayer leurs luttes, et cela à la fois dans notre matériel militant et par nos tractages sur le marché, devant les entreprises et aux bouches de métro. Cet effort militant s’est cristallisé par une réunion publique de fin de campagne qui par delà la cinquantaine de personnes rassemblée, et par-delà les interventions appréciées de notre tête de liste Elodie Lecoq et d’Alain Krivine, sollicité pour l’occasion, a eu le mérite d’être ponctuée de nombreuses interventions représentatives des secteurs militants sur Saint-Ouen : ont ainsi pris la parole tour à tour un jeune travailleur du Collectif de résistance aux expulsions au foyer Cara, des camarades de PSA Saint-Ouen, un militant du collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, des représentantes de l’association Saint-Ouen Solidarité Palestine, une travailleuse du lycée Marcel Cachin où le personnel et les lycéens se mobilisent actuellement contre la politique de casse de l’éducation et la fermeture de filières.

Des élections faussement démocratiques où les révolutionnaires ne sont pas les bienvenus…


Constituer une liste sur une ville d’un peu moins de 50.000 habitants comme Saint-Ouen est une formalité pour les partis gérant les institutions locales ou nationales… C’est une autre paire de manche pour les révolutionnaires. Notamment lorsqu’ils se heurtent à l’hostilité de la gauche municipale. Il faut ainsi présenter sur Saint-Ouen 43 candidats respectant les critères suivants : avoir 18 ans révolus, être de nationalité française ou de l’un des pays membres de l’Union Européenne et être inscrit sur les listes électorales de la commune. L’ensemble de ces critères sont parfaitement anti-démocratiques : ainsi près de 12 000 étrangers vivant à Saint-Ouen depuis des années sont privés du droit de vote mais aussi du droit d’être candidat à cette élection.

Cet obstacle de poids nous a conduit à effectuer une campagne de porte-à-porte dans l’ensemble des quartiers de Saint-Ouen afin de rencontrer les jeunes et les travailleur-euse-s afin de les convaincre à se porter candidat sur notre liste. Bon nombre de travailleur-euse-s immigré-e-s n’ont ainsi pas pu se présenter du fait de ces lois racistes et discriminantes. A cela s’ajoutaient les craintes chez les plus précaires de perdre leur emploi, des demandeurs de logements sociaux de voir leur dossier basculer en fin de pile, des militants associatifs de voir les subventions de leur association coupées.

Autre obstacle supplémentaire, la propagande institutionnalisée du gouvernement contre tout mouvement de contestation et contre l’extrême gauche en général, qui rend plus difficile, surtout en période de crise, la présence de son nom sur une liste NPA ouvertement anticapitaliste. Et pour terminer, la contrainte légale de la liste paritaire ne nous a pas aidé, car contrairement aux idées reçues, nous avions beaucoup plus de femmes candidates que d’hommes. L’impossibilité de déposer une liste majoritairement composée de femmes travailleuses démontre l’hypocrisie de la soi-disant parité que voudrait faire observer ce système électoral dans cette société profondément patriarcale.

Les obstacles légaux étant une chose, la guerre silencieuse qu’a menée la mairie contre le NPA en est une autre. En effet, la constitution d’une liste NPA sur sa gauche, n’a pas été vue d’un très bon œil. Entre notre première demande de salle municipale datée du 28 janvier pour organiser nos réunions de campagne à l’instar des autres listes… nous n’avons eu une réponse que le 11 mars (voir nos lettres ouvertes à la mairie). Cela ne nous a pas empêchés de tenir plusieurs réunions dans différents cafés de la ville.

Malgré ces obstacles, la liste « Saint-Ouen Anticapitaliste » du NPA a pu être déposée à la préfecture en temps et en heure. Nous avons su mobiliser l’ensemble des forces nécessaires à ce défi. Mais nous n’étions alors pas encore au bout de nos peines, puisqu’à quelques jours seulement du premier tour, nous avons rencontré une nouvelle difficulté avec la disparition mystérieuse de près de la moitié de nos « professions de foi » lors de la mise sous pli des courriers destinés aux électeurs (voir l’article du Parisien et notre communiqué à ce sujet).

Un appel au vote critique pour le second tour


Au second tour et contre toute attente, les listes de Jacqueline Rouillon (Front de Gauche-PCF, 31,56%) et Karim Bouamrane (PS et EELV 26,99%) n’ont pas pu trouver d’accord pour fusionner au second tour, cela malgré les pressions exercées par Bruno Leroux pour exiger du PS audonien qu’il se fonde dans la liste Rouillon. La liste Front de Gauche-PCF s’est donc présentée seule contre la droite qui était arrivée en tête avec 34,87%.

La Liste Saint-Ouen Anticapitaliste et le NPA audonien ont pris leur responsabilité. Ne considérant pas que c’est à la « vraie droite » de faire dégager cette « fausse gauche », c’est en ce sens, et seulement parce que le PS ne figurait pas sur la liste PCF-Front de Gauche que nous avons appelé les travailleur-euse-s et les jeunes à voter de façon critique pour la liste soutenue par les organisations issues du mouvement ouvrier et populaire et ne faisant pas partie du gouvernement national (voir sur notre blog le communiqué publié à l’issue du premier tour).

Mais le combat, pour nous, ne s’arrête pas au soir des élections. Le plus important, c’est dans les entreprises, sur nos lieux d’étude et dans la rue que ça se passera. Renverser la vapeur, voilà quelle sera la condition pour stopper l’avancée du FN dans le pays, contrecarrer les politiques d’austérité du gouvernement et les attaques du patronat, y compris celles qui sont relayées localement. Rendez-vous a déjà été pris pour le 12 avril et pour continuer ce combat dans les mois à venir !

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